En 2019, le Pacte vert européen avait initié une série d’annonces des grandes économies de la planète (UE, Chine, Japon, Corée du Sud) sur la neutralité carbone, qui exprimait clairement un horizon commun pour une course vertueuse, entre compétition et coopération, à la modernisation économique. Depuis, cependant, les crises se sont multipliées, et ce qui faisait lien dans nos sociétés et entre nos pays semble craquer de toutes parts : aux effets de long terme de la crise financière de 2008 se sont ajoutés la pandémie de Covid-19, la guerre russe en Ukraine, les crises de gouvernance politique et des institutions démocratiques et les tensions géopolitiques qui avaient déjà commencé à émerger sur tous les continents dès après l’Accord de Paris sur le climat de décembre 2015.
L’Union européenne a à la fois subi ces crises et en a profité pour mettre en place un apprentissage politique collectif qui a fait évoluer fortement les outils économiques communs et consolidé des formes de mutualisation inédites, comme le fonds de relance NextGenerationEU. Ces crises ont été d’autant mieux traversées que l’Union gardait comme boussole le projet commun défini autour du Pacte vert. Même s’il a été remis en cause à l’approche des élections de juin 2024, il semble évident que l’UE a tout à gagner, dans un contexte de rivalité économique accrue, à garder un cap clair de transformation de son économie, dont la transition énergétique et la circularité doivent rester des axes clés, compte tenu de la pauvreté en ressources du continent. Pour assurer la sécurité et la résilience de l’Europe, il reste cependant à convaincre que la santé des écosystèmes et la santé humaine doivent également faire partie intégrante de ce projet, et à en renforcer la dimension de contrat social, afin que l’Europe propose un projet politique compréhensible par les citoyens.
Par la définition de plans de transformation comme horizon, l’exemple européen montre leur utilité pour pouvoir traverser les crises en dotant les nouveaux instruments de réaction aux crises d’une vision proactive à long terme. Cela peut aussi éviter un repli de chaque grand bloc économique et politique sur lui-même, et permettre que la course à la réindustrialisation ait une chance de se faire non pas comme une concurrence brutale et déloyale, mais en construisant des partenariats entre régions à l’échelle de véritables écosystèmes industriels transfrontières, maximisant les chances de bénéfices mutuels.
L’Iddri, par tous ses travaux, soutient la définition de ces plans de transformation au plus près des sociétés de chaque territoire et de chaque pays, pour qu’ils soient à la fois soutenus politiquement par les différentes parties prenantes de la société et qu’ils offrent un horizon stable et attractif pour les entrepreneurs, innovateurs et investisseurs. Mais lorsque les crises viennent de l’intérieur, par la fragmentation, la dissolution des liens sociaux et de la capacité à négocier un futur partagé, l’indispensable travail sur les horizons de transformation à long terme doit aussi se doubler d’une compréhension de ce qui s’invente dans les interstices institutionnels, dans des mobilisations sociales improvisées pour survivre aux bouleversements et aux chocs, et qui n'apparaît donc pas forcément sur le radar des politiques publiques. Voilà un apparent paradoxe et un défi auquel les think tanks comme l’Iddri et ses partenaires dans d’autres pays et régions vont devoir se confronter dès maintenant.
« Pour concrétiser la vision de l’Europe en matière d’industrie verte, il nous faut prendre une décision : allons-nous créer notre propre version, verte, de la loi « Buy American » ou allons-nous continuer à laisser les entreprises chinoises et américaines dominer le marché européen au risque de mettre en péril l’avenir du modèle social européen ? »
Marcin Korolec, ancien ministre polonais de l’Environnement, dans un billet de blog pour l’Iddri
Ces dernières années ont montré l’importance vitale de la coopération internationale comme moyen de lutte contre une pandémie et contre le changement climatique – dont les effets transfrontaliers non contestés ne peuvent pas être gérés par les pays indépendamment les uns des autres. Elles ont aussi montré les efforts colossaux qu’une telle coopération demande pour son portage et sa mise en œuvre dans un monde en crises perpétuelles où le réflexe est au repli nationaliste, comme le donnent à voir les enjeux au centre de la multitude des élections en cours : sécurité, compétitivité et création d’emplois, immigration.
La coopération internationale n’en reste pas moins l’horizon indépassable du développement durable ; ce qui ne veut pas dire qu’elle ne doive pas être revue, revisitée, rééquilibrée, et réinvestie différemment. L’Iddri s’en est fait une mission clé et ne s’arrêtera pas au milieu du gué.
Nous sommes collectivement engagés à agir pour l’avenir des COP climat et pour l’orchestration plus générale d’un système multilatéral qui a vu la diffusion progressive des objectifs de décarbonation dans le vaste maillage d’organisations internationales qui le constituent et dont les avancées sont peut-être lentes, mais réelles. Nous travaillons avec nos partenaires à une meilleure compréhension des risques d’adaptation transfrontaliers et à leur meilleure gouvernance qui ne demande pas nécessairement une coordination globale, mais bien souvent une approche territoriale et régionale. Nous œuvrons également à une meilleure prise en compte internationale de la biodiversité, en soutenant un cadre de transparence du suivi des progrès de la Convention sur la diversité biologique (CBD) et l’intégration globale de ces enjeux, notamment en vue de la COP 30 climat, en 2025, dont l’organisateur, le Brésil, pourrait se faire le champion de la bioéconomie dans la lignée de sa présidence du G20.
Nous soutenons les efforts multilatéraux de développement d’une gouvernance internationale qui permet la protection des aires marines (Iddri, 2024a & 2024b) et à l’Océan de jouer son rôle de captage des émissions ; l’Iddri adopte en outre une approche soucieuse des conséquences environnementales largement inconnues à ce jour de l’extraction minière en haute mer.
Nous accompagnons la réforme de l’architecture financière internationale – y compris via une participation active au T20, la plate-forme des think tanks appelés à accompagner le G20, dont les enjeux infusent tous ses domaines d’activité, de l’atténuation à l’adaptation au changement climatique, en passant par la biodiversité terrestre et marine. Un système financier international plus équilibré (dans sa gouvernance), plus réactif et accessible (dans ses procédures) et plus coordonné (entre institutions) au service des besoins des pays a en effet de meilleures chances de répondre aux besoins, mais aussi de générer la confiance nécessaire à une coopération internationale revitalisée.
Les enjeux de coopération pour le développement durable sont transversaux et de taille. L’orchestration entre institutions qui travaillent souvent en silos malgré des agendas complémentaires ou même se chevauchant paraît indispensable. La coopération et les institutions internationales nécessitent un réinvestissement majeur et positif par les pays, notamment ceux du Sud afin que leurs voix et besoins y soient portés et reflétés – ce que nous soutenons notamment via le réseau Deep Decarbonization Pathways. Et dans le cadre de transitions porteuses de grands changements, les aspects sociaux et sociétaux – notamment de changements de comportements et de modes de vie – ne doivent pas être négligés.
« Notre expérience au Sénégal, comme dans d'autres pays, montre que l'acceptation d'un engagement international sur un aspect de l'économie aussi crucial que l'énergie n'est possible qu'avec un réel sentiment d'appropriation de la part des principales parties prenantes nationales. »
Secou Sarr, directeur de l’ONG sénégalaise Enda Tiers Monde, dans Carbon Brief
L’Iddri ouvre un nouveau champ de recherche et d’intervention sur la conception des futures politiques industrielles, considérées par tous comme une nécessité pour affirmer la puissance économique de l'UE, alors que les rivalités géopolitiques et économiques dominent. C’est aussi un enjeu politique majeur puisque la désindustrialisation a participé à la montée du mécontentement et du populisme dans les pays anciennement industrialisés.
Les ambitions climatiques de l’Europe vers la neutralité carbone, en application de l’Accord de Paris, génèrent d’importants défis techniques (clean techs, électrification, intelligence artificielle, place de l’innovation, etc.), économiques (réduction des risques sur les chaînes de valeur notamment) et sociaux (disparition et créations d’emplois, évolution des choix et des prix à la consommation, etc.).
« Notre objectif, c’est l’impact : s’interroger sur la façon dont une analyse peut faire bouger les lignes d’un accord politique. Les rapports de force ne se gagnent pas par la raison, mais il est quand même possible de faire bouger certaines lignes : c’est notre mission centrale. »
Sébastien Treyer, dans l’AEF, mars 2024
L’équipe de l’Iddri, en pleine croissance, est constituée de 53 personnes.
Les chercheuses et chercheurs de l'institut enseignent dans de nombreux masters, notamment à l'École des Affaires publiques, à l’École des Affaires internationales, à l’École de Management et de l’Innovation et à l’École de journalisme de Sciences Po. L’Iddri a accueilli 7 stagiaires en 2023-2024.
Le Conseil d’administration de l’Iddri, organe de décision, est appuyé par un Conseil scientifique pluridisciplinaire, qui assure une veille des questions scientifiques émergentes et aide à identifier les nouveaux axes de recherche, et par un Conseil d’orientation stratégique, qui réunit des représentants des différentes parties prenantes pour veiller à la pertinence de la programmation et des modalités d’intervention de l’institut. L’Iddri est une fondation reconnue d’utilité publique. Son Conseil d’administration délibère sous la surveillance d‘un Commissaire du gouvernement désigné par le ministère de l’Intérieur qui veille au respect de ce statut. Le Conseil d’administration est présidé depuis 2019 par Michel Eddi, Jean Jouzel étant son président d’honneur.
Les comptes 2023, certifiés par des Commissaires aux comptes et approuvés par le Conseil d’administration de l'Iddri, se sont établis à 4,9 millions d’euros en intégrant le coût du personnel mis à disposition (MAD), hors reversements aux partenaires de recherche.
21% | 1 394 800 € | Organismes publics français en core funding (dont MAD) | |
8% | 525 000 € | Dons d'entreprises | |
4.5% | 291 550 € | IDGM+ Laboratoire d’excellence | |
2% | 143 155 € | IDGM (prêt AFD) |
31% | 2 061 827 € | Fondations philanthropiques | |
16% | 1 074 515 € | Organismes publics français sur projet | |
12.5% | 821 479 € | Fonds européens | |
5% | 328 790 € | Organismes internationaux |
L’Iddri a bénéficié du soutien de ses partenaires privilégiés qui ont renouvelé leur financement annuel en core funding de l’activité de l’Iddri dans son ensemble. 2023 a été l’année de renouvellement du dispositif de soutien pluriannuel de l'État : le prêt de l’AFD, arrivé à son terme, a été remplacé par un financement de base du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et du ministère de l’Économie et des Finances.
L’Iddri bénéficie également de financements sur projets auprès de nombreux financeurs tels que détaillés ci-après. Un grand nombre de ces financeurs accompagnent l’Iddri depuis de nombreuses années, certains collaborent à ses travaux. Nous remercions également les nouveaux partenaires qui nous ont fait confiance en 2023, comme la Fondation Allianz sur l’agriculture durable et la Fondation Bloomberg sur la gestion des aires marines protégées.
Ces financements permettent la mise en œuvre de la programmation définie par les équipes de l’Iddri en accord avec ses orientations stratégiques et approuvée par le Conseil d’administration. (voir la section « Partenaires financiers »)
47% | 3 814 175 € | Programmes : recherche et intervention | |
27% | 2 197 186 € | Partenaires de recherche, expertise | |
13% | 1 021 005 € | Institutionnel et fonctionnement | |
11% | 864 117 € | Évènements, publications et communication | |
2.3% | 187 135 € | Missions |
Ces financements sont destinés majoritairement aux travaux de recherche et d’intervention de l’Iddri et de ses partenaires (l’Iddri reverse plus d’1,3 million d’euros à ses partenaires à travers le monde en supplément de son budget propre), à la communication et l’appui à la mise en œuvre des stratégies d’impact (valorisation des publications, relations média, web, réseaux sociaux, etc.), au suivi des relations institutionnelles et au fonctionnement de l'institut (charges de structures et de fonctionnement).
La structure des dépenses se répartit de la façon suivante : 54% de charges de personnel, 26% alloués aux partenariats de recherche et expertises, 14% aux charges d’activités (missions, publications, conférences, etc.) et 6% au fonctionnement.
D'août 2021 à juillet 2023, l’Iddri a hébergé une structure en création, l’Institut Mobilités en Transition (IMT), dont l'ambition est de produire des analyses et des recommandations pour éclairer la compréhension des décideurs sur les enjeux de la transition de la mobilité et des transports. Le budget de l’institut, entièrement financé sur projet, s’est élevé à 475 k€ en 2023. Depuis août 2023, l’IMT est une structure indépendante, fondée par l’Iddri.
Le modèle financier de l’Iddri repose de manière centrale sur le soutien en financements non fléchés (ou core funding), qui constituent une garantie de notre indépendance intellectuelle, de notre pertinence et de notre capacité d’anticipation, ou en nature de ses membres fondateurs et partenaires de long terme.
Les capacités de recherche et d’intervention de l’Iddri reposent sur un large réseau de partenaires scientifiques, d’expertise et d’influence en France, en Europe et à l’international. Cette carte présente quatre réseaux majeurs dans lesquels l’Iddri est inséré (European Think Tanks Group, Think Sustainable Europe) ou que l’institut a créé ou co-créé (Deep Decarbonization Pathways, Ukȧmȧ).