par Sébastien Treyer
Directeur général de l’Iddri
Il y a dix ans, l’Accord de Paris sur le climat et les Objectifs de développement durable démontraient que, malgré les divergences et les compétitions économiques, la communauté internationale était capable de se donner un projet commun de transformation du monde, pour plus de justice et de respect du vivant. Le respect d’un ordre fondé sur les règles, donnant des garanties minimales aux minorités face aux majorités et au long terme face au court terme, n’était alors qu’un fondement, certes essentiel, sur lequel il fallait encore faire s’épanouir cet ambitieux projet politique, le développement durable, grâce à de nouvelles coopérations entre nations et aux dynamiques politiques de progrès qui pouvaient s’enclencher au sein de nos sociétés. Le progrès n’était pas certain, mais les stratégies pour la transition pouvaient se déployer dans un cadre de règles relativement stable, même si l’ordre international est toujours plus stable pour les plus puissants que pour les plus faibles.
Aujourd’hui l’ordre international vacille, tout comme l’État de droit est attaqué dans certains pays européens. C’est le signe d’un changement d’époque où les rapports de force économiques et politiques sont en train de basculer, notamment vers l’Asie, ce qui provoque des ondes de choc par anticipation autant à la tête de gouvernements, comme aux États-Unis, que dans nos sociétés où le sentiment d’insécurité face aux changements à venir pourrait pousser les citoyens à préférer la force au respect des règles internationales, des droits humains, et des protections que procure l’État de droit.
Défendre des sociétés et un monde régi par des règles ne veut pas dire s’interdire de les changer. Les pays les plus pauvres et de nombreux acteurs de la société civile en leur sein demandent depuis longtemps des règles internationales plus justes, notamment en matière de financement et d’investissement. À l’échelle nationale, s’il est vrai que le droit communautaire européen, la protection des droits humains, et notamment le droit à un environnement sain, ont permis des avancées clés grâce aux institutions qui les garantissent, la démocratie environnementale et les institutions démocratiques en général, doivent encore être améliorées pour que nous puissions à nouveau faire société autour du projet politique d’un monde plus sain écologiquement et plus juste socialement.
Pour définir ensemble de nouvelles règles, communément acceptées, il faut trouver des alliés qui pensent toujours que les règles comptent. Non seulement qu’elles protègent les plus faibles, mais qu’elles peuvent rendre plus prospères même les puissants. Qu’on est tous plus forts à jouer ensemble selon les règles qu’à jouer uniquement les rapports de force. Et de nombreux exemples existent, comme lorsque la société civile dans sa diversité s’est mobilisée pour faire perdre aux élections les candidats autoritaristes, ou à l’échelle internationale, où des pays viscéralement attachés à l’aventure démocratique comme l’Afrique du Sud tendent la main à l’Union européenne pour inventer les nouvelles règles ensemble. Il faut pour cela accepter de construire sur la base des propositions des puissances émergentes, et pas seulement d’aménager celles que le vieux monde développé a conçues. C’est ce travail d’écoute et de construction exigeante pour tenir bon sur les valeurs et les principes des droits humains et du développement durable qui est au cœur du métier de l’Iddri.
« On n’a pas le droit de rester dans le récit de ressentis négatifs, il faut construire des aboutissements positifs. »
Francesco Gaeta
Directeur de l'action européenne
et internationale du ministère
de la Transition écologique
par Léna Spinazzé
Directrice générale adjointe
Cette question pose deux défis à l’Iddri : un défi stratégique, qui est d’identifier de nouvelles voies de changement, crédibles et opérables dans un contexte adverse ; et un défi opérationnel, qui est de nous transformer nous-mêmes, en tant qu’organisation, avec nos partenaires, pour ouvrir au mieux ces voies de changement.
C’est dans ce double objectif que nous investissons actuellement dans l’élaboration d’une nouvelle stratégie pour 2026-2030. Ceci pourrait paraître inadapté dans un monde qui évolue de manière toujours plus brutale et fréquente. Nous cherchons justement à nous mettre en capacité d’intervenir de la manière la plus adaptée, efficace et agile à ce contexte évolutif.
Pour cela, nous pensons que ni nous ni aucun acteur ne peut faire la différence seul. Notre stratégie est celle que nous voulons mener avec nos partenaires. Depuis sa création il y a bientôt 25 ans, l’Iddri travaille avec des acteurs de la recherche, de la société civile, de la décision publique, des entreprises privées, sur tous les continents. Pour formuler des propositions qui emportent la décision, nous voulons, nous devons aller encore plus loin.
Dans le cadre de l’élaboration de notre stratégie pour les 5 années à venir, nous avons d’ailleurs organisé, avec notre partenaire Convene, une série de sessions d’écoute de nos partenaires fin janvier 2025, juste après l’entrée en fonction de Donald Trump. Une expérience particulièrement enrichissante : nous avons pu prendre le pouls de ce qui se passe, noter des réactions assez différentes selon les types d’acteurs, et ressentir globalement une combativité très forte.
L’un des enjeux clés que nous avons mis en avant avec nos partenaires est justement de prendre cette question à bras le corps et de construire de nouveaux récits, crédibles et porteurs de changement. Nous sommes face à des récits adverses qui cherchent à écarter, voire à éliminer les questions environnementales et de transition juste. Nous devons inverser la charge de la preuve ! Ne plus se préoccuper des questions climatiques, abandonner les marchés porteurs de la transition énergétique (énergies renouvelables, véhicules électriques, etc.), serait-ce agir pour l’intérêt de la Nation, comme le prétendent certains leaders populistes ? Qui est du côté du réalisme ?
Cette question du récit n’est pas qu’un enjeu de communication. Il y a de vraies questions de fond. Dans un monde de plus en plus inégalitaire, que la double transition écologique et numérique déstabilise, comment faire en sorte que la transition écologique participe à renverser les inégalités ? En France par exemple, comment donner des alternatives au véhicule individuel en zone rurale ? À l’échelle internationale, compte tenu des reconfigurations de chaînes de valeur en cours liées à la transition énergétique et dans un double objectif de compétitivité et de sécurité, comment faire en sorte que les relations avec les pays partenaires de l’UE passent d’une logique extractive à une logique de développement économique local ?
Et au-delà des questions de fond, il y a de vraies questions de stratégie politique. Les recompositions actuelles, notamment liées à la sortie des énergies fossiles, modifient profondément les rapports de pouvoir entre pays et entreprises. Notre mission est d’identifier et d’expliciter les ressorts des changements et des recompositions nécessaires, et d’identifier les acteurs à même de les porter, au-delà de l’Iddri.
« Il est important d’articuler le travail à toutes les échelles : internationale, mais aussi nationale, dans les pays. Ce que font les réseaux DDP et Ukama est primordial. »
Hélène Djoufelkit
Directrice exécutive adjointe
de l’Agence française de développement
et membre du Conseil d’administration de l’Iddri
L’année 2024 a été marquée par un travail analytique approfondi pour l’élaboration de scénarios de transition cohérents avec la neutralité carbone pour 7 grands pays émergents : Afrique du Sud, Argentine, Brésil, Chine, Inde, Indonésie, Mexique. Les résultats ont été présentés dans le rapport transversal Making it Happen-National Pathways to Net zero, lancé lors d’un webinaire en octobre 2024 et présenté lors de la COP 29 à Bakou, ainsi que dans des analyses nationales présentées dans des documents nationaux.
Les partenaires qui ont développé ces analyses sont, pour la plupart, directement impliqués dans les processus de discussion politique dans leur pays respectifs, et notamment dans l’élaboration des contributions déterminées au niveau national (CDN) prévues par l’Accord de Paris.
Des exemples notables d’impact se sont ainsi matérialisés en Indonésie, au Brésil et au Sénégal.
En 2025, un nouveau rapport dressant un bilan des effets de l’Accord de Paris, 10 ans après son adoption, dans la vie réelle et économique portera sur 18 pays clés. Un bilan global des progrès accomplis dans la lutte contre le changement climatique exige en effet d'aller au-delà des perspectives mondiales et de l'analyse des objectifs de réduction des émissions, et de saisir les multiples dimensions des changements qui se sont produits (ou non) au niveau des pays. Cette analyse peut aider à contextualiser les CDN et à préparer le terrain pour les prochaines étapes du processus aux niveaux national et international, afin d'assurer la continuité et une augmentation progressive conjointe de l'ambition et de l'action.
« Il faut que l’Iddri maintienne cette rigueur scientifique qui fait sa force et sa crédibilité. »
Jean Jouzel
paléoclimatologue
Président d’honneur de l’Iddri
L’équipe de l’Iddri est constituée de 56 personnes. Les chercheuses et chercheurs de l'institut enseignent dans de nombreux masters, notamment à l'École des Affaires publiques, à l’École des Affaires internationales, à l’École de Management et de l’innovation et à l’École de Journalisme de Sciences Po. L’Iddri a accueilli 9 stagiaires en 2024-2025.
Secrétaire générale | Lisa Dacosta
Assistante de gestion | Aurore Bertinetti
Assistante de direction | Laetitia Dupraz
Responsable administrative et financière | Lucilia Tanchereau
Chargée de projets européens et internationaux | Bettina Lê
Responsable de projets européens et internationaux | Annick Bellamy
Directeur général | Sébastien Treyer
Directrice générale adjointe | Léna Spinazzé
Directrice des programmes | Céline Kauffmann
Directrice de la communication | Brigitte Béjean
Secrétaire générale | Lisa Dacosta
Directeur scientifique | Michel Colombier
Conseiller de la direction | Lucien Chabason
Conseiller auprès du directeur général | Basile van Havre
Directrice de la communication | Brigitte Béjean
Responsable communication, événements et réseaux sociaux | Carine Antunes
Responsable éditorial | Pierre Barthélemy
Assistant communication et médias | Louis Piussan
Assistante évènements et communication | Aurore Beyel
Directeur, programme Océan | Julien Rochette
Responsable de recherche, Gouvernance internationale de l’Océan | Klaudija Cremers
Responsable de recherche, Tourisme bleu | Angelo Sciacca
Chercheuse, Gouvernance internationale de l’Océan | Alexandra Oliveira Pinto
Directeur, programme Politiques agricoles et alimentaires | Pierre-Marie Aubert
Directrice, Agriculture France | Aurélie Catallo
Chercheur, Politiques agricoles et alimentaires | Baptiste Gardin
Responsable des partenariats, programme Politiques agricoles et alimentaires | Nika Tavčar
Responsable de recherche, Politiques agricoles et alimentaires | Michele Schiavo
Chercheuse, Politiques agricoles et alimentaires | Jeanne-Alix Berne
Chercheuse, Politiques agricoles et alimentaires | Elsa Régnier
Directrice, programme Biodiversité | Agnès Hallosserie
Responsable de recherche, Gouvernance internationale de la biodiversité | Juliette Landry
Chercheuse, Gouvernance internationale de la biodiversité | Mariam Fofana
Directeur, Modes de vie en transition | Mathieu Saujot
Chercheuse, Modes de vie en transition | Marion Bet
Chercheur, Modes de vie en transition | Charlie Brocard
Chercheuse, Modes de vie en transition | Clémence Nasr
Directrice, programme Climat | Marta Torres Gunfaus
Responsable de recherche sur la diplomatie et les politiques pour le climat | Hélène Van Rossum
Responsable de recherche, Gouvernance climatique internationale | Anna Pérez Català
Chercheuse, Adaptation au changement climatique | Adèle Tanguy
Chercheuse, Gouvernance internationale du climat | Alexandra Deprez
Directeur, programme Nouvelles politiques industrielles | Nicolas Berghmans
Coordinateur, Transition énergétique France | Andreas Rüdinger
Chercheuse, Climat et Énergie | Ines Bouacida
Chercheuse, Politiques industrielles européennes | Philippine Levy
Directeur, programme Gouvernance du développement durable | Damien Barchiche
Responsable de recherche financement du développement durable | Elise Dufief
Chercheur, financement du développement durable | Ben Katoka
Responsable de recherche, Gouvernance et Financement du développement durable, Coordinatrice d’Ukama | Elisabeth Hege
Directeur, programme DDP | Henri Waisman
Responsable de recherche, DDP | George Safonov
Chargée de projets européens et internationaux | Bettina Lê
Responsable de recherche, Climat et Transports, DDP | Yann Briand
Chercheuse, DDP | Lauren Harry-Villain
Responsable de recherche, DDP | Vicente Guazzini
Chargé de projets européens et internationaux | Maxime Ulatowski
Chercheuse, DDP | Clara Lepin
Directeur de l’Institut Mobilités en Transition et chercheur associé à l’Iddri | Jean-Philippe Hermine
Responsable Développement et Partenariats | Sarah Chadha
Chargée de projet métaux critiques & recyclage | Marine Hautsch
Chargée de gestion administrative et financière | Anoosheh Babaei
Chargée de projet industrie & recyclage | Hannah Gross
Analyste | Simon Louedin
Responsable du pôle expertise | Antoine Trouche
2024 a été l’année de reconstitution par moitié du Conseil d’orientation stratégique (COS), qui a accueilli 14 nouveaux membres. Le COS réunit des représentants des différentes parties prenantes pour veiller à la pertinence de la programmation et des modalités d’intervention de l’institut. Il se réunit deux fois par an. Il vient appuyer le Conseil d’administration de l’Iddri, organe de décision. C’est également le cas du Conseil scientifique pluridisciplinaire, qui assure une veille des questions scientifiques émergentes et aide à identifier les nouveaux axes de recherche.
L’Iddri est une fondation reconnue d’utilité publique. Son Conseil d’administration délibère sous la surveillance d‘un Commissaire du gouvernement désigné par le ministère de l’Intérieur qui veille au respect de ce statut. Le Conseil d’administration est présidé depuis 2019 par Michel Eddi, Jean Jouzel étant son président d’honneur.
Les comptes 2024, certifiés par des Commissaires aux comptes et approuvés par le Conseil d’administration de la Fondation, se sont établis à 6,5 millions d’euros en intégrant le coût du personnel mis à disposition (MAD), hors reversements aux partenaires de recherche.
* hors reversement aux partenaires de recherche
7% | Dons d'entreprises | ||
21% | Organismes publics français en corefunding (dont MAD) | ||
6% | IDGM+ Laboratoire d’excellence |
14% | Organismes publics français sur projets | ||
7% | Fonds européens | ||
11% | Organismes internationaux | ||
31% | Fondations philanthropiques | ||
2% | Autres |
L’Iddri a bénéficié du soutien de ses partenaires privilégiés qui ont renouvelé leur financement annuel en core funding de l’activité de l’Iddri dans son ensemble à un niveau équivalent à 2023, soit 35% du budget total.
L’Iddri bénéficie également de financements sur projets auprès de nombreux financeurs tels que détaillés ci-après. Un grand nombre de ces financeurs accompagnent l’Iddri depuis de nombreuses années, certains collaborent à ses travaux. Nous remercions également les nouveaux partenaires qui nous ont fait confiance en 2024, comme par exemple les Fondations Rockefeller et Oceano Azul et le Natural Defense Council qui viennent en appui aux travaux sur la gestion des aires marines protégées et la gouvernance de la haute mer dans la perspective de la conférence des Nations unies sur l’Océan (UNOC) en 2025.
Ces financements permettent la mise en œuvre de la programmation définie par les équipes de l’Iddri en accord avec ses orientations stratégiques et approuvée par le Conseil d’administration. (voir la section « Partenaires financiers »)
* incluant le reversement aux partenaires de recherche
47% | Programmes : recherche et intervention | ||
27% | Partenaires de recherche, expertise | ||
2.6% | Missions | ||
12% | Évènements, publications et communication | ||
11% | Institutionnel et fonctionnement |
Ces financements sont destinés majoritairement aux travaux de recherche et d’intervention de l’Iddri et de ses partenaires (l’Iddri reverse près d’1,2 million d’euros à ses partenaires à travers le monde en supplément de son budget propre), à la communication et l’appui à la mise en œuvre des stratégies d’impact (valorisation des publications, relations média, web, réseaux sociaux, etc.) et au suivi des relations institutionnelles assuré par la direction ainsi qu’au fonctionnement de la Fondation (charges de structures et de fonctionnement).
La structure des dépenses (hors reversement aux partenaires de recherche) se répartit de la façon suivante : 68 % de charges de personnel, 17% alloués aux études et expertises, 9% aux charges d’activités (missions, publications, séminaires/conférences, etc.) et 6 % au fonctionnement.
Le modèle financier de l’Iddri repose de manière centrale sur le soutien en financements non fléchés (ou core funding) ou en nature de ses membres fondateurs et partenaires de long terme. Ces financements permettent à l’Iddri de réaliser le projet commun de ses membres fondateurs, réactualisé tous les 5 ans à travers un projet stratégique et un programme de travail à moyen terme, adopté par le Conseil d’administration, et ce en conservant toute sa capacité de veille, d’anticipation, de réactivité et d’indépendance. Sur cette base, l’Iddri fait participer des partenaires très diversifiés au financement de ses projets. L’institut est ainsi reconnu et soutenu par de nombreux organismes publics français, par la Commission européenne, ainsi que par des organisations internationales et des fondations philanthropiques.
Les capacités de recherche et d’intervention de l’Iddri reposent sur un large réseau de partenaires scientifiques, d’expertise et d’influence en France, en Europe et à l’international. Cette carte présente quatre réseaux majeurs dans lesquels l’Iddri est inséré (European Think Tanks Group, Think Sustainable Europe) ou que l’institut a créé ou co-créé (Deep Decarbonization Pathways, Ukȧmȧ).